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Un quart d'heure avec le penseur
2 avril 2020

La Crise du Coronavirus ou la catastrophe du président philosophe

Illustration crise du président philosophe

La France s’est réveillée. Après des mois de maltraitance politique, après l’affaire Benalla, après l’épisode tragique des gilets jaunes massacrés au LBD40, les yeux se dessillent enfin. Les Français semblent avoir compris à quel point leurs dirigeants étaient malveillants, nuisibles, contre-productifs. Un récent sondage Odoxa indique assez la défiance du peuple à l’égard du gouvernement – « 79 % des Français estiment que le gouvernement ne sait pas où il va, 75 % estiment qu’il n’a pas pris les bonnes décisions au bon moment et 75 % qu’il n’a pas fait ce qu’il faut pour bien équiper les hôpitaux et les soignants ». Donc même si la cote présidentielle bénéficie d’un rebond mécanique, on sent bien que le discours du faux général en chef passe de plus en plus mal. Avec les milliers de morts qui s’annoncent il était temps que ce réveil ait lieu !

Macron est donc aujourd’hui brocardé, vilipendé, désigné comme l’un des organisateurs en chef de la crise. Michel Onfray a d’ailleurs réalisé une série d’articles de qualité, non dénués d’humour, pour dénoncer ce triste personnage. Dans l’un des plus récents il insiste sur plusieurs aspects qui méritent d’être approfondis parce qu’ils sont typiques de la philosophie qui nourrit la pensée du Prince-Président : le goût présidentiel pour les discours verbeux, la multiplication des propos gouvernementaux contradictoires, l’incapacité du pouvoir à agir efficacement pour stopper l’épidémie. Pourquoi Macron n’est-il, comme le signale Michel Onfray, que le « président des mots » ? Pourquoi multiplie-t-il ce que l’on appelle communément les injonctions paradoxales ? Pourquoi ces décisions loin de solutionner la crise l’aggravent-elles ? Enfin que l’on nous permette de répondre à deux questions d’apparence un peu technique : Macron est-il bien un lecteur de Machiavel et qu’en a-t-il compris réellement ? Est-il, de plus, comme il semble le croire, un roi philosophe ou un philosophe roi comme le rêvait Platon dans sa République



Macron et l’herméneutique de Ricoeur

Lecteur de Jacques Derrida, mais aussi disciple de Paul Ricoeur dont il fut l’un des assistants et l’un des plus proches confidents, Macron est le pur produit de la philosophie herméneutique postmoderne en vogue aujourd’hui dans nos universités. L’ancien étudiant en philosophie de Paris-Nanterre qui a obtenu sa maîtrise de philosophie en 2000 et son DEA en 2001 a d’ailleurs aidé Ricoeur à finaliser l’un de ses ouvrages La Mémoire, l’histoire, l’oubli. Qu’est-ce donc que l’herméneutique de Derrida et de Ricoeur ? Il s’agit d’une théorie de l’interprétation des textes et des discours sacrés qui est devenue, érigée en doctrine philosophique par ces deux figures de la « French theory », une théorie du « tout est texte », « tout est discours », « tout est mot ». La réalité se trouve dès lors réduite à un gigantesque palimpseste, un système de signes, de symboles qu’il s’agirait de déchiffrer. Déchiffrage dont nos philosophes herméneutes posséderaient bien entendu les clés. Que fait donc Macron, le faux chef mais véritable herméneute ? Agit-il ? Prend-il des décisions radicales, fortes pour faire face à la crise du Covid-19 ? Non, bien sûr, il disserte car le discours vaut pour l’action, il déchiffre car le réel est un « mystère sacré », il discoure car la parole, « sa » parole est à elle seule un événement.

Derrière l’obsession narcissique de Macron, derrière son égomanie et de ses logorrhées verbales, une théorie fumeuse de l’analyse du réel, typique de la philosophie idéaliste universitaire française, tourne à plein régime. C’est celle du « tout est interprétation » plus même : « tout n’est qu’interprétation ». Si Marx et Engels avaient dans leurs Thèses sur Feuerbach dénoncé, dans leur jeunesse, cette tentation permanente des philosophes spiritualistes à se réfugier dans la tour d’ivoire interprétative – toujours commode pour se dégager de la réalité – il semble donc que les philosophes contemporains y soient revenus ventre à terre. A Marx qui disait « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit de le transformer » Ricoeur répond tout naturellement dans Du texte à l’action, essais herméneutiques II, que l’interprétation à elle seule est une action, conduisant par la même son disciple chéri, le faux leader Macron, une fois parvenu au pouvoir à l’impuissance. Réfugié dans la tour d’ivoire de l’herméneutique, le pseudo général en chef, se croyait à l’abri du coronavirus et de ses effets destructeurs. Il s’est trompé sur toute la ligne, s’est révélé incapable de définir la stratégie adéquate de lutte contre le virus et même a systématiquement pris, par goût du paradoxe et du non-agir, les mauvaises décisions. Il faut dire qu’il croyait suffisant d’interpréter le virus « signe » ou le « signe » du virus alors qu’il s’agissait de le combattre. Terrible erreur d’analyse qui nous coûte déjà plus de 2000 morts dans les hôpitaux, les Ehpads et ailleurs.

Macron, le fourrier des injonctions paradoxales

Beaucoup s’étonnent également que le « et en même temps » élyséen, typique de la novlangue LREM et du discours présidentiel, continue de fleurir, sur toutes les ondes et dans tous les médias officiels, en ces temps de crise. Comment Macron a-t-il pu dire aux citoyens français dans son discours du 12 mars 2020 « restez chez vous et en même temps allez voter dimanche », « ne sortez pas mais n’hésitez pas à faire un footing » ? Comment ensuite le gouvernement à travers ses ministres a-t-il pu reprocher aux Français de ne pas respecter le confinement qu’il appelait lui-même à ne pas respecter complètement, renforçant ainsi un état d’esprit d’insouciance qui ne pouvait que conduire à l’expansion de l’épidémie ? C’est que ceux qui s’étonnent aujourd’hui ne connaissent pas le « et » inclusif de Ricoeur, celui du « génial » herméneute capable de maintenir ensemble tous les contraires, tous les contradictoires. « Je suis de droite et de gauche, libéral et social, passéiste et moderne, traditionaliste et progressiste, au-dessus des gens parce que je les méprise et avec eux dans la douleur parce que je les aime bien quand même. CQFD.

Au fond toute cette rhétorique macronienne c’est du Ricoeur pour les nuls, de l’herméneutique expliquée aux enfants. En l’occurrence les nuls et les enfants ce sont les citoyens français, enfermés, confinés, contraints et forcés d’observer le désastre sanitaire et humain ou nous a conduits l’impuissance publique pilotée par l’idéologie confuse du « et en même temps ».

Car il ne fait aucun doute que le mantra du « et en même temps » nous a coûté cher. Plus que cela il a précipité la crise en paralysant l’action publique au plus haut sommet de l’Etat. Décider de ne pas fermer les frontières nationales et en même temps exiger la fermeture des frontières européennes, affirmer la nécessité d’un confinement – dont le mot même n’a tout d’abord pas été prononcé – et organiser des élections qui conduisent à ne pas le respecter, pérorer sur la nécessaire solidarité européenne et en même temps ne pas venir au secours des italiens, déclarer que le port du masque n’est pas une nécessité pour les non-soignants et arborer un masque de protection présidentiel high-tech… la longue liste des « et en même temps » hallucinants de ce pouvoir suffisant, irresponsable et profondément incompétent serait trop longue à égrainer. Elle n’est d’ailleurs sans doute pas finie comme le prouve l’affaire de la chloroquine qui a été dans un premier temps rendue directement inaccessible aux Français car classée comme
« substance vénéneuse » par Agnès Buzyn puis déclarée par décret accessible, sous certaines conditions, en hôpital public suite la remontée des plaintes des médecins soignants et le nombre grandissant de morts…

Ces injonctions paradoxales ne sont cependant pas le produit du hasard, il ne s’agit pas d’une conséquence de l’amateurisme ou de la jeunesse de nos pseudo représentants mais de l’expression d’une mode philosophique, d’un dogme autocontradictoire érigé en système de pensée : l’herméneutique du docteur en philosophie Ricoeur et de son apprenti préparateur et apprenti sorcier en politique, Emmanuel Macron.

Macron ou l’anti-machiavel

Une question reste cependant en suspens. N’y a-t-il pas chez Macron des références de philosophie politique solides ? N’est-il pas diplômé de science po ? Auteur d’un mémoire sur Le Fait politique et la représentation de l’histoire chez Machiavel ? A la lecture de ce simple titre les bras nous tombent. Certes Macron est bien un politique cynique et méprisant, capable des pires coups tordus, rusé, madré même. Il joue de toutes les petites recettes que les tyrans utilisent pour se maintenir en politique : diviser pour mieux régner, écarter ses adversaires un à un, par exemple. Mais ce genre de conseils mis en pratique ne sont que l’écume, la surface du discours de Machiavel. Ce qui importe chez Machiavel ce n’est pas fondamentalement que les princes se maintiennent coûte que coûte, en faisant fi de tout morale. Machiavel ne pense même pas que « tous les moyens sont bons » pour parvenir au pouvoir ni pour le conserver.

A la lecture du Prince ou des Discours sur la première décade de Tite-live on découvre, en effet, que le cœur de la stratégie machiavélienne, de son enseignement politique consiste a toujours « augmenter ce qui dépend de soi et à diminuer ce qui ne dépend pas de soi ». Encore faut-il ne pas prendre cette maxime en un sens individuel, premier. Dans l’esprit du Florentin il s’agit, pour le chef d’Etat, de faire en sorte que le peuple, le pays qu’il dirige soit de moins en moins dépendant (qu’il augmente ce qui dépend de soi) et donc de plus en plus autonome (qu’il diminue ce qui ne dépend pas de soi) et ce dans tous les domaines, financiers, politiques, militaires etc.. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que Le Prince se termine sur un appel à l’unité nationale du pays, l’Italie en l’occurrence et ce plusieurs siècles avant Cavour, Mazzini et Garibaldi. Comme l’a montré Rousseau, Machiavel était en réalité un philosophe républicain et patriote, amoureux de son peuple : il n’aurait jamais conseillé de lui tirer dessus au LBD40.

Or qu’a fait Macron depuis qu’il est en politique ? L’exact contraire de ce que propose Machiavel. Il a inversé en bon herméneute postmoderne la proposition de Machiavel travaillant d’un côté à augmenter en permanence notre dépendance, notamment économique, – via la vente de sociétés stratégiques à des puissances d’argent étrangères, américaines ou autre. D’un autre côté il s’est évertué à diminuer notre autonomie en nous intégrant toujours plus dans le schéma européen. N’est-il pas allé jusqu’à proposer de partager le siège de la France à l’Onu ou la puissance nucléaire avec l’Allemagne ? Cette même Allemagne dont on voit le peu de solidarité qu’elle témoigne à l’égard des autres peuples européens en ces temps de crise du coronavirus. Et que dire de l’ouverture des secteurs entiers du domaine public à la concurrence mondiale, européenne ou autre ? S’agit-il d’un point de vue machiavélien et républicain en politique ? Bien sûr que non. En réalité Macron n’est que le fondé de pouvoir des intérêts et des puissances d’argent qui n’ont que faire de l’intérêt général.

Cette lecture macronienne mondialiste et finalement anti-machiavélienne et antirépublicaine de la politique a eu des conséquences directes dans la gestion de la crise. Est-ce un hasard si nous ne disposons plus d’industrie capable de produire des masques en quantité pour nous protéger du virus ? Est-ce un hasard si nos stocks de chloroquine sont « réquisitionnés » par le Maroc ou Sanofi a délocalisé une partie de sa production ? Est-ce un hasard si Macron ne prend aucune décision de réquisition en homme et en matériel pour renforcer le barrage face à la vague épidémique qui monte ? Non, cela relève de décisions politiques conscientes dont Macron s’est voulu l’héritier. Situé au confluent d’une idéologie mondialiste verbeuse et d’un mode philosophique herméneutique non moins verbeuse, Macron n’aura été finalement que l’herméneute enthousiaste des mouvements du marché mondial, le chantre de l’ouverture du pays aux vents de la mondialisation heuruese, en réalité l’interprète zélé et proactif d’une mondialisation destructrice dont il peut aujourd’hui grâce à la crise du Covid-19, contempler en direct les effets destructeurs et coûteux en vie humaine. Alors, content M. le Président ?

Macron le « roi philosophe » ?

Il existe dans le livre V de La République de Platon une célèbre phrase que les professeurs de philosophie aiment à commenter en rêvant. Elle énonce que la cité idéale voulue par Platon – dirigée en fonction des idées de Vrai, de Beau et de Bien – sera réalisée lorsque « les rois seront philosophes et lorsque les philosophes seront roi ». Dans l’esprit de Platon qui pensait sincèrement que la formation philosophique était une nécessité pour les gardiens de la cité, garants de l’unité et de la stabilité du corps politique, il ne fait aucun doute que l’intention était louable. Macron a certainement cru lui aussi réaliser cet idéal. Nul doute que dans le secret de son esprit orgueilleux il a pensé réaliser l’idéal politique posé par Platon.

Mais il y a loin du modèle à la copie, de l’orignal à la reproduction, de l’élève au maître. Marx a dit de l’histoire qu’elle se répète « toujours deux fois, une première fois en tragédie, une seconde fois en comédie ». Platon a goûté tout d’abord à la tragédie : en cherchant à devenir l’un des plus puissants conseillers de Denys le Tyran de Syracuse, il s’est trouvé condamné par lui et vendu sur un marché aux esclaves dont il n’a été sauvé que par chance. Un ami qui passait par hasard, l’a heureusement reconnu, racheté, lui rendant ainsi sa liberté. Telle fut la tragédie de Platon.

Avec Macron la tragédie s’est transformée en comédie, le pouvoir se gargarisant de ses propres discours, tandis que le pays sombre dans la catastrophe. Quel spectacle terrible et en même temps, ce n’est pas contradictoire, terriblement indécent. Loin d’être gouvernée par des rois philosophes et des philosophes rois, la république française est aujourd’hui la proie des sophistes que condamnait Platon, des menteurs qu’il a toujours détestés, des affairistes pour lesquels il n’avait que mépris. Du reste l’auteur de La République n’aurait pas accordé beaucoup de crédit à Macron et à ses équipes de communicants. Il les aurait sans aucun doute chassés de sa cité idéale. Souhaitons que le peuple français, une fois sorti du confinement auquel les délires sophistiques du « et en même temps » l’ont condamné, y parvienne véritablement.

Michael Paraire 29/03/2020

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