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Un quart d'heure avec le penseur
5 juillet 2020

L’Artisan ou le véritable artiste contemporain

Illustration artisan art contemporain

Contre les faux artistes de l’AC nous proposons de valoriser la figure de l’artiste véritable, sincère, passionné, qui peut constituer un socle de résistance face au système de la dictature mise en place dans le domaine de l’Art contemporain.

Il n’y a pas d’art sans travail de la main. Il n’y a pas d’art sans maîtrise technique. Il n’y a pas d’art sans savoir-faire. Ces vérités de bon sens, – que 50 années de faux art conceptuel et de domination sans partage de l’AC ont voulu nous faire oublier –, doivent constituer les piliers d’une revalorisation du vrai visage de l’artiste contemporain : celui de l’artisan.

Car c’est l’artisan, aujourd’hui, qui est le véritable héritier de la grande tradition artistique d’embellissement de la vie, portée depuis la nuit des temps par ceux qui ont décoré les voûtes de la grotte de Lascaux jusqu’aux galeries des grands Musées du Louvre, du Prado, des Offices à Florence, de l’Ermitage à Saint Pétersbourg, de la National Gallery à Londres, en passant par celles de la Chapelle Sixtine. C’est lui qui a repris la grande tradition des maîtres d’œuvres du Moyen-Âge, lui qui a maintenu les exigences du savoir-faire, du métier, lui qui a continué, contre vents et marées à créer de belles formes, en y mettant tout son cœur, toute son énergie.

Contre l’artiste de l’AC qui se régale de "Daubisme" en ne créant que de la daube, contre Anish Kapoor, Jeff Koonz, Damien Hirst, Stuart Semple, Antony Gormley, Olafur Eliasson, Barbara Kruger, Gerhard Richter et autres Paul McCarthy qui ne produisent que des œuvres sans vie, destinées à la spéculation financière, contre tous les faux artistes qui utilisent la stratégie du choc néo-duchampienne pour désorienter le public, le paralyser, en vue de lui imposer des œuvres d’art frelatées, ridicules mais chères, des « urinoirs » et des « ready-made », l’artisan d’hier et d’aujourd’hui est demeuré la référence, le cœur, la clé de voute du point de vue de l’exigence de faire du bel art, de continuer à embellir la vie des gens, en maintenant des prix accessibles, à mille lieues des pseudo-cotations du marché.

Maltraité socialement, souvent contraint de vivre dans la période dite estivale, invisibilisé par une politique d’Etat qui n’oriente ses flux financiers qu’en direction du faux Art Contemporain, l’artisan survit dans des conditions difficiles, parfois dans la pauvreté, toujours dans la dignité. Qu’il soit perdu dans une échoppe au fin fond de la Creuze, qu’il survive difficilement dans une boutique en bord de mer ou qu’il se débatte, au milieu des tracasseries institutionnelles, pour faire vivre son art au sommet d’une montagne, l’artiste-artisan ou l’artisan-artiste est celui qui aura maintenu la passion, la flamme vivante de l’art quand le marché de l’AC voulait la noyer sous des opérations spéculatives de haut-vol.

Bourrelier, coutelier, pottier, verrier, luthier, menuisier, charpentier, ébéniste, forgeron, céramiste, peintre, dessinateur, graveur, décorateur, doreur, vernisseur, fondeur, sculpteur, ciseleur, relieur, tisseur, graphiste indépendant, il constitue aujourd’hui ce « petit peuple de l’art », celui qui subit la domination écrasante de l’AC, cette machine à tuer non seulement l’art mais le goût esthétique en l’étouffant sous une pluie de dollars. Pourtant, ce petit peuple n’est pas mort, pas plus que n’est morte ce que Proudhon dans Du Principe de l’art appelait la faculté esthétique, celle de voir les belles choses, de les reconnaître mais aussi de les créer. Aussi c’est au nom du bon sens, et en nous plaçant, comme Courbet à son époque, sous le haut-patronage, de celui qui fut considéré en son temps comme le plus grand penseur du socialisme libertaire, – et qui apprit son métier de typographe auprès des compagnons du Tour de France – à savoir Proudhon, que nous nous proposons de revisiter la figure de l’artisan-artiste et de la défendre contre celle des pseudos artistes de l’art contemporain.

Une révolution copernicienne dans l’art

Car aujourd’hui ce qu’il faut opérer, si nous voulons rétablir le rôle social de l’homme de métier, du véritable artiste, contre les figures trompeuses du marché de l’art, c’est une véritable révolution copernicienne, un changement de point de vue à 180 °. On sait quelle fut l’importance de la pensée de l’astronome Nicolas Copernic en son temps. Là où des esprits fossilisés se montraient incapables de penser contre l’hypothèse géocentrique défendue par Aristote et Ptolémée, Copernic fut l’un des premiers à rendre, dans son Commentariolus, ses lettres de noblesse à l’hypothèse héliocentrique, qui veut que ce soit la Terre qui gravite autour du soleil et non le contraire.

Or, si l’on y réfléchit bien, nous nous trouvons avec l’AC dans le même cas de figure. Aujourd’hui, en effet, c’est l’AC qui partout fait la loi, dans les musées, dans les FRAC et les DRAC mais aussi sur le marché de l’Art mondial où il faut être estampillé AC si l’on veut être considéré comme un véritable artiste. Autrement dit le système de l’AC est au centre et les artistes-artisans sont à la périphérie. Voilà pourquoi l’esthétique artisanale, celle du travail bien fait et des jolies choses est reléguée au second plan. C’est que le travail de l’artisan est exclu, hors marché. Plus exactement encore il ne se déploie que sur les petits marchés, les expositions marginales, durant la période estivale, mais il est toujours absent des grandes expositions qui font la part belle à l’imposture de l’AC et à ses œuvres pseudo-transgressives.

Si nous voulons que la beauté et le bon sens en art retrouvent leurs lettres de noblesse il nous faut donc impérativement inverser cette perspective. C’est le travail artistique artisanal qui doit être valorisé, c’est lui qui doit être soutenu par l’Etat, c’est lui encore qui doit être valorisé dans les FRAC et les DRAC, non pas les œuvres faussement contestataires des chiens -couchants de l’AC. L’artiste-artisan doit revenir au centre du jeu. Il doit redevenir la clé de voute de l’Art, le cœur véritable de l’attention publique et de l’attention du public. Le public d’ailleurs n’a jamais abandonné les artisans-artistes. Il continue de les faire vivre en leur achetant de belles œuvres à l’occasion d’un déplacement, d’un voyage, d’une rencontre faite sur un petit marché, quelque part entre ici et le bout du monde.

Pour le dire encore autrement il faut totalement inverser la structure d’ordre de l’Art Contemporain. Aujourd’hui l’AC impose sa loi et ses normes par en haut. La structure institutionnelle et sociale de l’AC est très clairement une structure « top-down », qui va du haut vers le bas, du marché, des musées, des galeries vers le peuple. C’est le contraire qui doit se faire. C’est au peuple d’imposer ses artistes, au peuple de dire ce qu’il aime, au peuple de demander que l’on soutienne les véritables créateurs contre les imposteurs conceptuels qui imposent un discours terrifiant, fait de non-art, de refus du métier, d’enlaidissement généralisé. La structure sociale de l’art contemporain doit être une relation « bottom-up », qui part du bas pour aller vers le haut, qui opère un mouvement ascendant et non un mouvement descendant, mais pour faire cela il faut que les mentalités changent et il faut aussi que le peuple entre en jeu, sinon, ce sera l’éternel statu quo et l’AC continuera sa domination tyrannique sur le monde de l’Art.

Revenir à l’idéal des compagnons

Mais ce changement de mentalité, suppose d’opérer un retour en arrière, un travail généalogique, afin de comprendre à quel moment s’est opéré une bifurcation profonde dans le domaine de l’art et dans quel sens il faut désormais réorienter notre réflexion. C’est à la Renaissance, en Italie, à l’époque des grands maîtres que furent Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël, qu’une nouvelle doctrine de l’art est apparue, faisant non plus de l’artiste un simple technicien, un maître d’œuvre, un artisan, mais un intellectuel à part entière, un homme de savoir théorique, un homme de science. Il faut dire que Léonard de Vinci comme Michel-Ange, n’étaient pas seulement des dessinateurs, des peintres, des sculpteurs accomplis mais aussi des maîtres en mathématique, des architectes hors-pair.

Pour les valoriser, la théorie de « l’ut pictura poesis » qui identifie l’art à la poésie, (l’expression est tirée d’un vers d’Horace et signifie que « la peinture est comme la poésie »), a été créée pour élever l’artiste renaissant à hauteur du poète, ce qui est, – si l’on songe à Homère, Virgile ou Dante –, un honneur considérable. L’artiste, à dater de cette époque, a donc été considéré comme un « intellectuel » et non plus seulement comme un homme de l’art, un simple spécialiste dans son domaine. Il a quitté le domaine des arts dits « mécaniques » pour entrer dans celui, plus valorisé, des « arts libéraux » 1, c’est-à-dire des arts de l’homme libre, non-asservi. Poussé à son terme par le courant de l’art conceptuel au XXeme siècle, et enfin repris par l’AC qui l’a défigurée, cette idée généreuse a fini par faire perdre de vue la dimension manuelle, technique, artisanale de l’art. En élevant l’artiste au niveau de la pensée la plus haute, la porte lui a été entrouverte, d’une possible appartenance à l’élite du pouvoir, et l’idéal de l’artiste-artisan s’est trouvé peu à peu effacé, le lien avec les maîtres d’œuvres et compagnons du Moyen-Âge, avec les bâtisseurs de cathédrale, chers à Rodin 2 et à Bourdelle s’est perdu.

Pourtant, c’est à cet idéal que les artistes-artisans devraient revenir en urgence. Plutôt que de se désespérer, plutôt aussi que d’accepter le destin social, la « bohème forcée, misérable » qui leur est imposée, comme contrepartie d’une sphère conceptuelle, à laquelle ils ne sont pas, en réalité, intégrés – les artistes-artisans d’aujourd’hui, ceux en tout cas qui ont maintenu l’exigence de la maîtrise technique de leur art et l’envie de créer de belles formes, devraient revenir à l’ancienne conception de l’art, celle des hommes qui avaient un métier. C’est alors qu’ils retrouveraient leur pleine et entière liberté, alors qu’ils seraient à nouveau souverains de leur œuvre, alors qu’ils recouvreraient, malgré les difficultés, ces sentiments de fierté et d’honneur qui sont propres, comme l’a montré l’anthropologue Philippe d’Iribarne dans La Logique de l’honneur (1989), à toute personne qui possède un métier, au sens d’avoir « du métier », d’en avoir la passion, d’en maîtriser le sens, d’être à la fois sûr et fier de sa technique.

Que les artistes quittent donc la fausse tour d’ivoire conceptuelle où l’on a prétendu, avec l’AC, à la fois les élever et les enfermer et que les artisans de l’art se comprennent comme des artistes à part entière, que tous fassent sauter les barrières mentales qui ont été artificiellement dressées entre eux, renforcées par les mensonges de l’AC, pour qu’ils ne perçoivent plus leur communauté de situation et de destin. Qu’enfin tous se reconnaissent leur commune appartenance au « petit peuple de l’art » et qu’ils mènent ensemble les combats qu’ils doivent mener pour parvenir à la victoire contre la fausse élite artistique de l’AC.

S’organiser pour vaincre

Ces combats peuvent d’autant mieux être menés et gagnés que le rapport de force, évalué en termes de nombre,  entre la pseudo élite de l’AC et le petit peuple des artistes-artisans et des artisans-artistes penche clairement en faveur des seconds. Les artisans sont majoritaires et l’élite de l’AC est minoritaire. Certes, avec ses milliardaires corrompus et ses institutions corruptrices, avec ses serviteurs d’Etat zélés, avec son système de spéculation tout puissant, l’AC possède la réalité du pouvoir dans le milieu de l’Art. Mais il ne tiendrait qu’aux artisans-artistes de s’en emparer, s’ils avaient pleinement conscience de leur force. Pour reprendre le mot de la Boétie : « Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres ».

Ce qu’il faut faire émerger aujourd’hui, c’est donc une conscience populaire renouvelée, sûre de sa force, conquérante. Il faut oser se regrouper, pourquoi pas au sein d’une structure – syndicale, associative ou autre – qui représenterait les artisans-artistes et les artistes-artisans définis comme tels. Structure qui laisserait de côté les questions d’ego, trop souvent présentes dans le milieu de l’art, pour faire émerger une conscience collective et des actions communes, pour valoriser la passion du métier contre les tendances destructrices, « anthropophages » ou « daubesques », toujours mortifères de l’AC. Cette organisation aurait pour fonction de favoriser les rassemblements d’artisans créateurs, les tendances à l’autogestion, mais aussi les actions plus contestataires contre les pseudo-installations ou les pseudo-expositions de l’AC.

Elle pourrait ainsi venir contester la manière dont l’argent public est dépensé, dilapidé, jeté par les fenêtres, pour valoriser les œuvres de Jeff Koons, ses Balloon dogs, ses Tulips, son Inflatable Rabbit, celles d’Anish Kapoor, son Sky Miror, son Dirty Corner, son Tour Orbit et son Descent into Limbo ou encore celles de Damien Hirst avec son Mother and Child divided, son Mickey et autres Away from the flock. Tout cela comme dirait Alceste est bon à mettre aux cabinets. Mais si l’on ne veut pas que le petit peuple de l’art, comme Alceste dans Le Misanthrope, finisse par perdre son combat, par quitter la scène, isolé, il faut se rassembler, s’unir pour vaincre.

Ces tendances du reste sont à l’œuvre aujourd’hui. Elles sont un chemin possible pour l’avenir. Après l’épisode des « gilets jaunes » qui fut réprimé avec la violence qu’on sait par le pouvoir macroniste, après ceux du coronavirus et du confinement qui ont révélé la faillite de la dictature maastrichtienne et des grandes institutions mondiales, l’idée de revenir à la base, de reconstruire des fondations solides, robustes, « antifragiles », au sens de Nassim Nicolas Taleb, « populaires » au sens de Michel Onfray, a fait son grand retour sur le devant de la scène politique et idéologique. Le petit peuple est en train de prendre conscience de sa force, tandis que l’édifice de l’élite du pouvoir, malgré ses relais économiques et idéologiques dans l’Etat profond, vacille et se fissure peu à peu. Le poisson pourrit par la tête. « Small is beautiful ». Bientôt le peuple, martyrisé par la dictature économique et politique, les nouveaux Big Brother du numérique et ce que nous avons appelé le fascisme 2.0 reprendra le pouvoir. Il ne tient qu’au petit peuple de l’art de le prendre à son tour. Artisans, artistes, d’ici et d’ailleurs, de partout et de nulle part, unissez-vous pour mettre fin à la dictature de l’AC, pour vivre décemment de votre métier et pour continuer à embellir la vie, la vôtre et la nôtre, tout simplement.

Michael Paraire

05/07/2020

Notes

1 – Sur le changement de statut social de l’artiste à la Renaissance voir Anthony Blunt, La Théorie des arts en Italie de 1450 à 1600, chapitre IV, « position sociale de l’artiste », Gallimard, idées, 1966, mais aussi Rensselaer W. Lee, Ut pictura poesis, humanisme et théorie de la peinture. XVeme-XVIIIeme siècles, Macula, 1991.

2 – Sur le respect de Rodin pour les maîtres d’œuvre et les artisans du Moyen-Âge voir Rodin, Les Cathédrales de France (1914). Sur l’importance de l’amour du métier voir dans son Testament (1911)le passage suivant, d’une surprenante actualité : « L’artiste donne un grand exemple. Il adore son métier : sa plus précieuse récompense est la joie de bien faire. Actuellement, hélas ! on persuade aux ouvriers pour leur malheur de haïr leur travail et de le saboter. Le monde ne sera heureux que quand tous les hommes auront des âmes d’artistes, c’est-à-dire quand tous prendront plaisir à leur tâche. L’art est encore une magnifique leçon de sincérité. »

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